Un entretien avec Marie Rose Moro (06:29), professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent.
Les enfants qui grandissent en contexte de migration doivent bien souvent jongler entre deux langues : celle parlée à l'école et celle parlée à la maison. Pour une partie d'entre eux, cet apprentissage se révélera être une véritable source de plaisir : en découvrant une nouvelle langue, ils découvrent un nouvel univers. Pour les enfants, d'un point de vue cognitif, passer d'une langue à l'autre, ne pose aucun problème. En effet, la plasticité neuronale de leur cerveau leur permet d'acquérir de nouvelles compétences relativement facilement.
Toutefois, pour apprendre une seconde langue, l'enfant doit pouvoir prendre appui sur sa langue maternelle, celle qui lui a permis d'accéder au langage. Or, il arrive que l'enfant soit mis dans une situation ou sa première langue, et son premier univers culturel, social soit discrédité par la société. L'enfant imagine alors qu'il ne peut pas s'appuyer sur ce monde-là, cette langue-là. Sans appui sur ses compétences langagières antérieures, l'apprentissage de la seconde langue équivaut à réapprendre à parler.
Pour que les apprentissages soient véritablement incarnés, qu'ils fassent sens pour l'enfant, il est nécessaire que les versants affectifs (sa famille...) et cognitifs soient couplés.
Entretien réalisé lors du 7e congrès européen de l’AEPEA "Corps à corps. Souffrances du corps et travail psychique chez le bébé, l’enfant, l’adolescent, la famille et les soignants" tenu à Bruxelles en mai 2014.