Les limites sont nécessaires à tout âge de la vie, elles structurent le temps, l’espace, la vie en société… elles délimitent notre environnement, nos relations sociales, nous offrent un cadre dans lequel évoluer.
Après des siècles de limites mises par la société aux familles, aux parents, aux enfants eux-mêmes a succédé l'ère de l'autonomie, de la libre expression, de l'épanouissement personnel... Difficile de s’y retrouver aujourd’hui entre tous les conseils prodigués par les uns et les autres. Entre la valorisation d’une éducation toujours plus « positive », plus bienveillante et ses opposants qui soutiennent une vision d’un passé où l’autorité n’était jamais contestée, les parents d’aujourd’hui ont de quoi se sentir perdus.
Aujourd’hui, la société donne parfois l’impression que les limites sont devenues extensibles : la science, la technologie offrent l’illusion que tout est possible, dans une immédiateté toujours plus grande. La société de consommation nous fait penser que tout peut s’acheter. Or, l’être humain ne peut pas tout avoir, tout faire ou tout être. Il est par essence limité.
De la même manière, éduquer un enfant sans lui mettre de limites, c’est lui laisser penser que, dans la vie tout est possible, que les relations humaines sont exemptes de règles, qu’il va pouvoir modeler le monde selon ses propres désirs et envies. Or, il n’en est rien. L’enfant nait dans un monde qui le précède, avec ses règles, ses codes. Le rôle de parents, d’éducateur est de l’inscrire dans ce monde qui lui préexiste. En mettant des limites aux enfants, nous leur transmettons notre expérience du monde.
Un enfant, pour se sentir en sécurité doit sentir que les adultes face à lui sont solides, consistants et qu’ils savent ce qui est bon pour lui : le nombre d’heures de sommeil dont il a besoin, ses temps d’écrans, ce qu’il peut faire ou non… Et c’est à ce prix qu’il se construit, en prenant appui pour s’opposer.
Quand l’enfant est tout petit, les limites sont physiques : les bords de son lit, les bras de ses parents… ce sont ces contours qui le rassurent, au sein desquels il se sent contenu, tout comme il l’était dans le ventre maternel. Au cours de son développement, les limites passent petit à petit par la parole : « ne touche pas à ça, tu vas te faire mal… ». Nous lui délimitons un espace dans lequel il peut évoluer en sécurité. Et c’est grâce à cette découverte progressive du cadre et par l’apprivoisement de son environnement que l’enfant va pouvoir petit à petit s’autonomiser.
Penser le cadre
Penser le cadre, les limites qui y sont inhérentes et les sanctions quand il y a transgression aidera à ne pas réagir trop impulsivement, ou de proférer des menaces non constantes ou irréalistes (si tu continues, je te laisse sur le bord de la route…). Même si éduquer confronte toujours à de l’inattendu, de la surprise, de la nouveauté, il sera plus simple de naviguer si les grandes lignes, les valeurs, le cadre ont été pensés.
Privilégier des sanctions en lien et proportionnelles avec la transgression ; réparer ce qui a été cassé, isoler l’enfant pour qu’il se calme, le priver d’écrans, lui faire ramasser des papiers dans la cour de l’école… Elles seront pensées en fonction de l’âge de l'enfant, de son niveau de développement, de sa personnalité.
Sanctionner ne signifie pas humilier ni faire la démonstration d’une supposée supériorité. Il s’agit de pouvoir rappeler le cadre dont l’enfant a besoin pour grandir. C’est une manière de conscientiser, d’apprendre à l’enfant à devenir progressivement responsable et de mettre un stop à l’événement pour passer à autre chose. Une fois le calme revenu, revenir avec l’enfant sur les transgressions et la sanction, chercher à comprendre avec l’enfant ce qu’il s’est passé est parfois porteur… C'est tout un processus de mettre des limites !
La cohérence éducative
Enfin, les limites doivent être, autant que possible cohérentes. Pas nécessairement entre tous les adultes qui s'occupent de l’enfant. Mais chaque adulte doit accepter et légitimer (sauf exception) les limites mises par les autres. L'attitude séductrice d'un parent ou d’un éducateur qui laisse faire, voire cache les bêtises, parce qu'il pense que l'autre adulte est trop sévère ou injuste est délétère pour l’enfant. Cela risque de détricoter le cadre posé, et de créer une confusion déstabilisante pour l’enfant.
Il ne faut jamais perdre de vue que la meilleure manière de permettre à un enfant d'intégrer la limite est d'avoir nous-mêmes une attitude en cohérence avec celle-ci : « L'exemple, c'est nous ».