Si les familles et les professionnels se penchent beaucoup sur les besoins de base liés au handicap, ils ont par contre parfois tendance à considérer l’enfant handicapé comme un «grand bébé asexué» et cela quel que soit, éventuellement, son âge réel. Les comportements de certains enfants handicapés témoignent d’un réel intérêt pour les sensations corporelles. Par exemple, certains peuvent se masturber en public ou tâter les seins d’une personne présente sans être conscients de l’inadaptation sociale du comportement…
Face à un enfant réagissant plus vite dans l’immédiat et le pulsionnel, l’adulte non-averti sera pris au dépourvu, et certains réagiront sur le même plan que l’enfant, ayant mal décodé ces comportements… Par exemple, un enfant présentant un retard mental peut dire «je t’aime» à quelqu’un d’inconnu en accompagnant sa parole d’une proximité physique inattendue chez un autre enfant du même âge chronologique.
Certains handicaps requièrent des soins très intrusifs ou ressentis comme tels comme, par exemple, quand il faut langer un adolescent polyhandicapé. Ce corps à corps difficile est «normal» car nécessaire pour l’hygiène et le bien-être de l’adolescent mais il peut devenir malsain si le soignant y prend un plaisir obsessionnel ou s’il banalise l’acte de soin sans l’accompagner des mots qui remettent cet acte à sa juste place. Ces moments de contacts intimes sont des moments de plus grande vulnérabilité pour chacun : pour l’enfant mais aussi pour l’adulte présent. Certains soins, indispensables même s’ils frôlent parfois la violence, peuvent provoquer chez certains adultes amenés à les prodiguer des mécanismes de défense les rendant moins sensibles à l’enfant qui subit les soins. Par exemple, pour éviter de se mettre à la place de l’enfant, le soignant peut «déshumaniser» la relation. Ces façons de faire et d’être peuvent devenir pathologiques si chacun y trouve des bénéfices secondaires dont il n’a pas conscience. Il arrive que certains soignants très vulnérables laissent libre cours à des tendances sadiques ou pédophiles: l’enfant handicapé devient «leur» objet, utilisé pour procurer du plaisir, enfant-objet qui, selon les handicaps, ne pourra ni réagir, ni comprendre ce qui se passe, ni l’exprimer de façon claire.
In Nadine Clerebaut, Véronique Poncelet, Violaine Van Cutsem, « Handicap et maltraitance » Temps d’arrêt, yapaka, PP 19-20, 2007