La question de la sexualité est au cœur de l’adolescence, moment de remaniement identitaire, de tâtonnements, de curiosité. Les adolescents s’interrogent sur ce qu’est un adulte, sur la rencontre intime avec l’autre, sur ce que l’autre leur veut.
Dans ce temps d’éveil, de première rencontre avec la sexualité, l’impact de la pornographie sur les jeunes questionne. Certains soulignent la représentation sexiste et technique des relations intimes et sexuelles véhiculée par le porno qui présente un modèle de la sexualité basé, entre autres, sur la performance pour les garçons et sur la soumission pour les filles. D’autres évoquent les questions d'addiction au porno.
Mais la question devrait se poser de manière plus large. Nous vivons tous, adultes, jeunes et enfants, dans une société hypersexualisée où règne un vacarme sexuel permanent comme notamment dans l’univers omniprésent des pubs (dans le métro, à la radio, sur le Net…) qui convoque la sexualité pour nous faire consommer toujours plus.
Cette hypersexualisation du social influence également nos échanges : les questions de l’intime sont plus facilement exposées dans nos conversations, sur les réseaux sociaux, la sexualité privée se raconte comme tout autre sujet de conversation…
Tenir les digues de la sexualité et des générations
A ce bain ambiant hypersexualisé se conjugue un affaiblissement intergénérationnel. A bas bruit, la sexualité des adultes intruse et interfère dans la vie des ados et des enfants. Cette intrusion se traduit par une forme plus réelle de « débordements sexualisés » dans la proximité des liens familiaux : les adultes n'ont pas toujours conscience que la manifestation de leur propre sexualité (baisers « sauvages », caresses intenses, appuyées dans un couple parfois nouvellement formé) constitue une effraction intergénérationnelle pour les enfants. Le fait que les enfants n'aient rien à savoir de la sexualité de leurs parents n'est pas une question d'ordre moral mais une question d'intégrité psychique.
Il nous revient en tant qu’adulte et à titre d’éducateur de tenir les frontières générationnelles de la sexualité ; limites intergénérationnelles qui offriront à l’enfant la sécurité pour grandir et à l’adolescent la solidité pour se tester.
La sexualité ne surgit pas à l’adolescence
Hors du génital, l’enfant vit une sexualité qui soutient la découverte de son corps, la curiosité à l’autre différent de lui. La manière dont le sexuel est vécu et parlé au sein de sa famille imprime les premières expériences de l’enfant. Peu à peu le respect de sa personne, de son intimité au jour le jour constituera le socle sur lequel l’enfant va grandir et explorer sa sexualité propre et dans le rapport à l’autre.
A l’adolescence, la sexualité rejoue des éléments de l’enfance tant sur un plan sexuel qu’affectif et ouvre le jeune à une sexualisation des liens, une exploration de lui-même et dans la rencontre de l’autre.
Le porno, un mode transitoire d’accès à la sexualité ?
Si la pornographie a toujours existé, aujourd’hui, la culture de l’image et la technologie qui facilitent et amplifient l’accès à l’imagerie pornographique ouvrent d’autres questions.
Par ailleurs, la notion de pornographie se définit toujours en regard d’une époque, dans une culture et une société donnée et montre que la frontière reste vague et subjective entre sexualité, pornographie et art.
L’image et le modèle actuellement proposé par le porno peut s’imposer à certains adolescents en quête de construction comme un point d’écolage pour agir là où les mots de l’adulte font défaut. Une des dérives du porno joue alors sur la fougue compulsive de l’adolescent en manque de mots, en perte d’affectivité. L’écolage entre pairs se joue alors sur un mode sans parole de type passage à l’acte.
La présence d’un adulte aide au travail essentiel et inévitable de mise en mots, d’élaboration nécessaire pour renouer la parole à l’acte, l’acte à la relation, le lien affectif au sexuel.
Les leurres du porno
Fabriquée comme un film de fiction, la pornographie donne une vision irréelle de la vie, d’autant plus fascinante pour les adolescents en quête d’identité qu’elle simplifie la donne : caricature sexiste et violente d'une sexualité dont sont évacués toutes les dimensions relationnelles et émotionnelles, tout consentement entre partenaires.
Surfant sur une incitation consumériste, l’immaturité du jeune est sollicitée en vue de sa satisfaction personnelle. Cette invitation lui épargne la nécessité de différer sa pulsion et banni toute notion de désir qui suppose la curiosité et la rencontre de l’autre. En effet, le porno évacue la quête de l’autre, de la passion, de la poésie pour présenter un modèle « prêt à jouir » qui peut séduire l’adolescent.
Le rôle des adultes
Parler au plus tôt de sexualité (d’intimité, de respect, d’amour, de tendresse…) dans la famille et les lieux de socialisation aidera l’enfant et l’adolescent dans sa construction mêlant toujours le sexuel au versant affectif.
Discuter de la possibilité de « tomber » sur des images pornographiques, de l’artifice de la pornographie et des questions qu’elle ouvre doit s’inscrire dans la relation parent–ado, adulte-ado. Ce dialogue offre la meilleure prévention au contraire des filtres ou contrôles parentaux qui sont non fiables et non opérants. De plus, l’éducation aux médias invite à l’analyse et au recul face aux images. À tout âge, cette approche outille l’enfant et prévient les risques de « traumatismes » liés à des images potentiellement effractantes.
En appui de la responsabilité parentale, l'école est partenaire, également comme garant de la norme. En son sein, le programme EVRAS, Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle aborde les questions de sexualité, à tous les âges de la scolarité, partant d’une vision positive.
Le dialogue éducateur - enfant/ado gagne à s’emparer de l’ensemble des événements qui surgissent au sein de l’école ou via les réseaux sociaux.