Le documentaire de Sofia Fischer ouvre la difficile et complexe question de l'infanticide. Des histoires de vie nous sont dévoilées, des sacs de nœuds... puis l'impensable qui effracte. Les singulières histoires d'Hélène, Cécile, Christelle nous font entendre que quand la tempête intérieure est trop forte au point que plus aucun point d'appui ne semble possible, que le sentiment de solitude prend toute la place alors une seule solution semble se présenter pour que s'arrête la souffrance : se tuer et emporter ses enfants. A la voix de ces femmes, se tissent celles des témoins de ces actes : les proches comme les mères, sœurs, familles et celles de ceux qui soignent ou accompagnent devant la justice: psychiatres, avocats... Dans chacune des histoires, on entend se lever le silence sur des violences passées, des traumatismes enfouis, des sentiments de honte qui paralysent...
Comment entendre ces actes autrement que dans un statut de faits divers? Comment ne pas balayer ces actes difficiles à penser? Quelle place prend la justice dans ces tragédies? Comment permettre à ces femmes, à ces mères de se réinsérer?
La réalisatrice Sofia Fisher nous offre l'occasion d'ouvrir ces questions.
Découvrez le documentaire en intégralité sur Arte [68 min - Disponible jusqu'au 08/12/2024]
Pour poursuivre le fil de pensée, nous vous proposons un extrait du livre Temps d'Arrêt "Infanticides et Néonaticides", écrit par Sophie Marinopoulos [téléchargeable gratuitement en pdf et epub]
[...] puisque ces actes sont inimaginables, que « nous ne pouvons pas nous les représenter », c’est qu’il y a en eux une part profonde qui nous échappe. C’est-à-dire que notre réflexion achoppe sur une forme d’obscurité qui entrave notre pensée et que les explications factuelles, matérielles, des crimes commis ne sont pas satisfaisantes ni suffisantes pour produire chez chacun de nous de la pensée. Or, chez les humains que nous sommes, êtres de langage ce qui échappe à la représentation est un risque majeur. Risque d’enfermement, d’isolement, de brutalité de jugement, de fonctionnement dans un non-partage qui appauvrit l’humanité de chaque individu et le rend alors dangereux pour lui-même et pour autrui. C’est dans cet état d’esprit que Paul Ricœur en appelle à notre tolérance en signifiant que « la tolérance n’est pas une concession que je fais à l’autre mais la reconnaissance du principe que la vérité m’échappe ». Alors notre responsabilité ou même notre honnêteté intellectuelle doivent rechercher une compréhension qui sera au plus près des drames commis. On ne peut pas se contenter d’un discours de surface qui laisserait penser que l’on tue son enfant pour des raisons sociales, de pauvreté, de divorce, ou toute autre explication rationnelle. Nous devons tendre vers une analyse qui s’inscrit dans notre spécificité humaine, le fait que la vie affective et émotionnelle est fondatrice de notre être. Elle est une nourriture à part entière, indispensable comme le lait au nourrisson.