Le domaine de la maltraitance est complexe et la prévention est bien moins une question de centre de cible qui se laisserait viser qu’une affaire d’environnement relationnel, éducatif et social dans lequel s’enracinent, ou pas, le bienêtre et la santé des enfants. La prévention impose d’agir collectivement, avec compréhension, tolérance, solidarité et questionnement des pratiques, prenant en compte les réalités dommageables ou dangereuses que vivent certains enfants, particulièrement dans leur milieu familial. Si les termes et notions employés évoluent et fluctuent selon le point de vue que l’on exprime, selon les subjectivités en présence, il est néanmoins possible de décrire les éléments d’un tronc commun qui constitue ce que l’on nomme aujourd’hui la maltraitance. En effet, plusieurs racines importantes et branches principales sont clairement identifiées et font l’objet d’un consensus dépassant les frontières. Ce texte introductif les reprend en y apportant parfois des nuances et des commentaires.
[...]
La maltraitance des enfants est donc à présent un concept général qui recouvre plusieurs grandes catégories : maltraitance physique, négligences lourdes, abus sexuels, maltraitance psychologique. Chacune de ces catégories connaît diverses définitions, plus ou moins larges et plus ou moins extensives. Elles n’échappent aucune à une part de subjectivité, à la participation d’un jugement. Des questions de seuil se posent : à partir de quand y a-t-il maltraitance? À partir de quoi peut-on la suspecter? Comment en mesurer les risques? Retenons déjà que dans chaque catégorie il existe une gradation, un continuum, allant de formes bénignes à des formes extrêmes. La gravité est liée à la durée, à la fréquence, à l’intensité. Elle l’est aussi, évidemment, aux conséquences. Un acte violent posé une fois peut avoir des conséquences plus ou moins graves, selon les circonstances et les blessures encourues. À l’inverse, une négligence grave peut, par chance, avoir créé « plus de peur que de mal ». Mais insistons sur la règle la plus générale : la maltraitance est un processus dont la gravité va croissant, parfois à bref délai. Il est rare qu’elle s’arrête spontanément, sans intervention extérieure.
[...]
L’intervention dans le champ de la maltraitance, malgré sa complexité et les interrogations qu’il suscite – au plan juridique, au plan préventif, au plan diagnostique, au plan des fins et des moyens, au plan éthique, collectivement et individuellement – ne prend de sens que si elle s’appuie sur deux principes unificateurs essentiels : - l’état de souffrance de l’enfant est le repère prioritaire à chaque étape des interventions ; - les parents doivent bénéficier d’une écoute et d’une aide appropriées à leur souffrance et à leurs difficultés personnelles. Ces deux principes sont aussi des repères déterminants pour guider les réflexions et les choix qui structurent un climat de prévention générale.
"Points de repère pour prévenir la maltraitance", Collectif, Collection Temps d'arrêt p.5-6-7, yapaka.