Cette façon de camper autrui dans une caricature, de le réduire à l'une ou l'autre caractéristique de sa personnalité correspond, sans doute, à une manière de se préparer au contact avec lui, à anticiper le jeu relationnel dans lequel on risque de se retrouver. C'est classique, nous faisons tous cela et nous sommes également rangés dans des catégories par d’autres.
Malheureusement, ce fonctionnement installe souvent des barrages sur la route de la connaissance de l'autre. Une fois les représentations installées dans nos têtes, nous perdons notre regard nuancé, nous sélectionnons notre écoute, nous ne regardons que ce que nous voulons bien voir. Comment imaginer que le brutal professeur puisse se montrer ému devant les pleurs de son élève ou que la charmante Elodie puisse avoir des mouvements de colère?
Le tempérament, ce n’est pas la personnalité
Les enfants n'échappent pas à ce fonctionnement. Hélas! Car leur personnalité est en évolution puisqu'en construction, et donc, tout devrait rester ouvert.
Bien sûr, chacun vient au monde avec un certain tempérament lié aux caractéristiques de son bagage neurologique. Ainsi, il y a des bébés très calmes ou même passifs et d'autres très réactifs, sursautant au moindre bruit et trouvant difficilement en eux-mêmes les moyens de revenir à un état serein après avoir pleuré ou avoir été énervés.
Mais le tempérament n'équivaut pas à la personnalité. Cette dernière se construit avec ce qu'elle trouve autour d'elle.
Parents, nous rêvons d'avoir de chouettes enfants, sympas, gentils, obéissants... Nous nous formons des images d'eux, en oubliant parfois que la douceur et l'agressivité peuvent coexister, tout comme le conformisme et l'opposition, l'attention à l'autre et la haine, ou la franchise et le mensonge...
Des effets de surprise
Certains parents peuvent être très surpris de découvrir subitement une facette insoupçonnée chez leur bambin. Cet effet de surprise est parfois si violent qu'il vient ébranler tout l'édifice de la confiance et retourne radicalement l'image qu'ils se faisaient de leur enfant.
"Tout le monde dit d'Arielle que c'est une petite fille extrêmement gentille. C'est vrai qu'elle est attentive aux autres, toujours prête à rendre service, câline et très agréable à vivre. Mais, l'autre jour, je ne sais pas ce qui s'est passé. J'avais invité une de ses bonnes amies. Tout l'après-midi, elle s'est montrée tyrannique avec elle, au point que la gamine est partie en pleurant et en disant qu'elle ne reviendrait plus jamais. C'est comme si Arielle avait été ensorcelée, tellement je ne la reconnaissais plus..."
En nous présentant ses côtés agressifs, l'enfant vient remettre le projecteur sur les nôtres. Sans cesse, nous nous battons avec nous-mêmes pour les gérer de façon socialement acceptable, parfois à nos dépens, en nous creusant des ulcères, ou bien en passant les tensions dans du sport ou plus primitivement en les faisant porter par les proches, ceux dont nous sommes assurés de la confiance. Quand l'enfant nous ébranle par son agressivité tout à coup dévoilée, nous sommes violemment remis en question dans nos capacités d'éducateurs. Alors, soit nous estimons que nous avons tout mauvais, soit nous nous sauvons nous-mêmes en accusant l'enfant d'avoir changé.
Les enfants comme les adultes ont plusieurs facettes. C'est bien ce qui fait le propre de l'humain. Chaque caractéristique, chaque qualité a son contraire et ils peuvent coexister à l'intérieur de chacun.
Grandir, c'est accepter que le monde ne se décline pas en bon et mauvais, en gentil et méchant, et que l'ambivalence est une richesse plutôt qu'une imperfection.