[Livre] L'attention à l'autre

L’attention d’une équipe

Le travail d’équipe est ainsi une «  obligation  ».L’attention d’un soignant dépend de celle de son équipe. Il y a une « attention collective » sur ce que l’on doit faire/ne pas faire, voire même évoquer. Il y a des choses connues et reconnues, d’autres sont « passées sous silence », non vues, déniées.

Cette attention a une histoire. Elle résulte des événements qui se sont passés dans l’établissement et des réussites et des échecs des précédentes équipes. Cette manière collective de diriger son attention s’impose maintenant à chacun, même aux différents partenaires de l’équipe, comme les familles. Elle porte en elle des aspects conscients et inconscients, des angoisses connues, tues ou déniées. Elle n’est ainsi jamais neutre et chacun se trouve très intimement confronté à des mouvements qui le portent à élargir ses expériences ou le contraignent, voire lui font violence.

Dans une équipe, il y a de l’idéologie, des creux dépressifs, de l’inertie, beaucoup de clivages et projections, des morcellements, des risques de crises, des « oasis » de tranquillité, etc. Une équipe pense « comment ranimer, soutenir, entretenir l’attention, collective, à l’autre ? » Le « travail d’attention » est celui de la coopération au sein d’une équipe  : comment s’ajuster les uns aux autres en ayant une «  attention conjointe  » aux personnes accueillies  ?

Travailler en équipe, ce n’est pas réaliser une uniformisation des pratiques ou attitudes, c’est rassembler les attentions, les points de vue, c’est tirer parti des richesses de chacun. L’évolution historique, sur plusieurs générations, des lieux de soin montre comment ce qui a été à une époque dénié est le temps d’après reconnu (cf. dans les crèches, l’angoisse de séparation, ou à l’hôpital général la souffrance du patient). L’équipe est sous l’impact des souffrances des personnes accueillies. Sur ce groupe se transfèrent les différentes facettes, les différentes constellations du patient ou de la personne accueillie. Pierre Delion parle ainsi de la fonction « phorique » des soignants. Tant que les angoisses ne sont pas « groupalement » portées, aucun travail d’élaboration n’est possible. La pensée doit pouvoir se développer par « association de points de vue ». Dans une équipe, il ne s’agit pas d’une simple application d’une norme fonctionnelle, car chaque fois un sens singulier est à trouver.

In Temps d’arrêt « L’attention à l’autre », Denis Mellier, PP 53-54, juin 2018.

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