"Aujourd’hui, à la vitesse à laquelle on vit, la temporalité de nos relations et de ce que nous partageons ne fait pas du tout bon ménage avec la temporalité de l’enfance. C’est ce que j’appelle une « culture entravante ». La modernité nous impose une performance et une efficacité immédiates. Alors on attend d’un enfant quelque chose qui n’est pas possible pour lui : un enfant doit faire des expériences répétées et, évidemment, passer par l’échec. Il me semble qu’on est de plus en plus pris dans une espèce de mouvement qui oublie l’enfant et ses besoins. On veut des enfants mais sans l’enfance : qu’ils ne fassent pas de bruit, qu’ils ne bougent pas trop (dans un train par exemple), qu’ils ne nous mettent pas en situation difficile en ne répondant pas immédiatement à nos demandes."
"Nos enfants s’affaiblissent intérieurement. Globalement, ils sont en bonne santé : on a fait des efforts énormes concernant la nutrition, la prévention, etc. Mais, paradoxalement, dans leur vie interne, dans cette santé psychique, relationnelle, culturelle, ils s’appauvrissent et sont en moins bonne santé. Et c’est valable aussi pour nous, les adultes. Nous sommes en moins bonne santé : plus anxieux, plus vite dépressifs, plus vite découragés, nous savons moins nous exprimer, moins nous défendre par les mots."
Sophie Marinopoulos, psychologue, alerte sur les effets délétères du manque de communication, d'échanges, d'attention portée aux tout-petits. Les parents, soumis à des rythmes de vie effrénés, l'omniprésence des écrans, les difficultés sociales, économiques... sont fragilisés. Leur disponibilité psychique à l'égard de leurs enfants en est impactée.
Elle souligne que les enfants d'aujourd'hui sont plus en difficulté langagière, qu'ils ont un vocabulaire plus pauvre, qu'ils sont moins à même de s'exprimer, ce qui en amène certains à passer par le corps et la violence. Elle s'inquiète également du nombre croissant d'enfants diagnostiqués avec un trouble de l'attention, d'autres présentant des troubles du comportement... Selon elle, ces difficultés s'enracinent dans les premières années de l'enfant et c'est pour cette raison qu'un soutien des parents de tout-petits, ainsi qu'un plan national ambitieux pour soutenir l'éveil culturel, artistique, langagier des enfants entre 0 et 3 ans lui semble indispensable.
Dans une interview publiée sur Télérama Sophie Marinopoulos répond à des questions portant sur son rapport "Une stratégie nationale pour la santé culturelle. Promouvoir et pérénniser l'éveil culturel et artistique de l'enfant de la naissance à 3 ans dans le lien à son parent" que le ministère de la culture français lui a commandité. Elle y déplie les difficultés observées par les enfants et leurs parents ainsi que des recommandations pour soutenir parents et secteur publique dans l'éveil culturel des tout jeunes enfants.