Emotions, affects, passions, qu'en dire, qu'en faire ?

ARGUMENT L’accompagnement de sujets en souffrance en institution nous confronte toujours, à un moment ou l’autre, à la manifestation d’émotions et de divers affects. Si aujourd’hui ces manifestations ont pris une place centrale dans le discours courant, politique et médiatique, la variété de leur approche et des traitements envisagés n’est pas sans brouiller les pistes. Ainsi, devenus un véritable marché, les programmes de « gestion des émotions » nous invitent tantôt à apprendre à gérer nos émotions pour correspondre aux standards de la bonne communication, tantôt à les laisser s’exprimer pour évacuer le stress. Deux idéaux coexistent : l’efficacité sociale et le bien-être individuel. Dans cette perspective, la question de ce qui est en jeu pour le sujet affecté reste à l’arrière-plan. L’idée commune qu’à tel évènement correspond tel affect est en effet largement remise en question par les phénomènes cliniques que nous pouvons observer au quotidien. Une expression émotionnelle est-elle toujours le signe de la même chose ? L’affect est-il toujours exprimé ? Quand c’est le cas, est-ce toujours de la même façon ? Peut-il être un calcul du sujet ? Les conversations et les observations cliniques au quotidien nous indiquent que ce champ est complexe. Au-delà de ce qui se voit du corps affecté, chacun est aux prises avec une réalité singulière. En conséquence, comme pour toutes manifestations symptomatiques, il est judicieux de ne pas comprendre trop vite ce qui est en jeu pour le sujet, de ne pas appliquer de recette standard, de modèle unique, mais d’élaborer des réponses « sur mesure ». Pour notre prochaine journée, notre boussole sera d’être attentifs à distinguer les émotions comme réactions à ce qui a lieu dans le monde et les affects, qui sont du sujet. C’est-à-dire qu’au-delà des éventuelles manifestations du corps, il y a un sujet - déterminé par sa prise singulière dans le langage - qui est ébranlé. Ceci nous amènera à tenir compte de toute la gamme des passions déployées dans le transfert, pivot de l’accompagnement pensé à partir de la clinique analytique : amour, haine, indifférence, mais aussi agressivité, colère, mauvaise humeur, tristesse… Nous aurons à distinguer les émotions, les affects et les passions de manière à saisir ce qui est en jeu dans la clinique au cas par cas. Comment les traiter ? Comment les considérer ? Les ignore-t-on ? Leur fait-on place ? Mais surtout, en quoi leur prise en considération permet-elle de nous orienter dans l’accompagnement ? Quand la voie de l’élaboration, le travail par la parole montre ses limites ou est impraticable, quel abord pouvons-nous inventer face aux manifestations de l’affect dont, au premier plan l’angoisse ? En tout cas, nous ne pouvons ignorer qu’ils font signe. Il s’agira, lors de notre prochaine journée, de montrer comment nous opérons face à ces manifestations tantôt discrètes, tantôt débordantes, mais jamais anodines.