Certains proposent de faire de ce 25 avril la journée internationale « aliénation parentale ». Nous pensons que ce concept n'aide pas les professionnels. Voici pourquoi. Qu'en pensez-vous ?
« Aliénation parentale » : un concept qui peut causer du tort.
Les intervenants de terrain sont fréquemment interpellés ou mandatés pour intervenir dans une séparation litigieuse entre des adultes qui sont parents d'un ou de plusieurs enfants.
On aimerait que la séparation d'un couple se passe de manière paisible. C'est très rarement le cas, et pour cause : mésententes, déceptions, trahisons, deuils... sont au rendez-vous et la cicatrisation de telles blessures prend toujours du temps.
Si le couple a des enfants, la séparation marque la fin de la conjugalité, mais pas du tout la fin de la parentalité. En désaccord quant à leur lien amoureux rompu, les ex-conjoints vont néanmoins devoir s'accorder pour poursuivre ensemble leur rôle de parents.
Ici encore ce partage ne se passe pas sans heurts. Cependant, si les lessives, l'organisation des vacances ou les habitudes alimentaires... sont l'occasion de difficultés très classiques, la plupart du temps les parents en arrivent à accorder la priorité à l'intérêt de leurs enfants et donc à s'entendre sur l'essentiel.
Hélas, ce n'est pas toujours le cas. Certains parents sont pris dans le tourbillon d'une opposition systématique aux désirs, aux attentes et aux références éducatives ou affectives prônées par l'ex conjoint, l'autre parent. Ils se nourrissent de lectures, d'avis, de conseils voire de prises de position de l'un ou l'autre professionnel, cela peut aller jusqu'à déteindre sur l'enfant. Ce dernier se trouve alors pris dans une situation insoluble : il a le souci de s'adapter aux discours de chacun de ses parents, même s'ils sont séparés...Mais risquer de se montrer bien avec l'un d'entre eux semble faire tant de mal à l'autre...Comment s'en sortir alors ?
Certains enfants se retranchent dans une sorte de « réserve émotionnelle » : ils vivent à la maison, par exemple avec maman et sont en mesure de rencontrer papa mais la relation reste distante, la prudence et le silence sont de mise... Avec en toile de fond : « Surtout ne faire de peine à personne », tel un leitmotiv semi-conscient. Pour se protéger, ces enfants en viennent parfois à rencontrer leurs parents dans une ambiance qui laisse une impression de froideur et de détachement.
D'autres enfants font preuve de moins de facultés de détachement. Ils sont plus fragiles ou subissent des pressions contextuelles et relationnelles plus manifestes de la part de leurs familles. Dans ce cas, l'enfant dit ou montre qu'il prend le parti de l'un des parents (généralement celui avec qui il vit de manière principale). Il refuse de voir son papa ou sa maman, se replie dès qu'il est en contact avec lui ou l'agresse en l'assaillant de reproches qui ressemblent étonnement à un discours appris de l'adulte blessé par la séparation.
Ces configurations relationnelles problématiques intéressent naturellement les spécialistes des sciences psychologiques. Comme dans toute approche scientifique qui se respecte, il s'agit de les identifier, de les analyser, de les comprendre pour tenter d'y amener des pistes de résolution.
Un nouveau concept ?
Pendant de nombreuses années, le concept de « conflit de loyauté » a offert un modèle explicatif pour ces situations de séparation au sein desquelles l'enfant n'était pas autorisé (ou ne s'autorisait pas) à prendre une place qui convienne à son bien être et à son développement personnel.
Depuis peu, un nouveau concept a fait son apparition : « l'aliénation parentale », pour parler du cas de figure où l'enfant est littéralement soumis au parent dit « aliénant » et ne peut plus faire place à l'autre, critiqué, blâmé, détruit dans le discours du premier. Il est ainsi coupé d'une partie de lui ; celle que représente sa filiation au « parent maudit ». C'est non seulement son appartenance à la branche familiale ostracisée mais aussi son identification au genre sexuel du parent rejeté qui sont niés.
Hélas, le concept d'aliénation parentale est utilisé à tort et à travers. Il enferme une série de situation où les conflits font rage, situations dans lesquelles les professionnels sont aspirés et légitiment leur coalition avec un parent en utilisant ce vocable et provoquant ainsi des dégâts durables.
Nous ne pouvons pas nier que certains parents se collent à leur enfant, d'autres mélangent conjugalité et parentalité au point de mener un conflit généralisé aux effets nocifs pour l'enfant (effets qui retourneront d'ailleurs plus tard contre ce parent). Il est également vrai que certains parents vont mal au point d'entraîner leur enfant dans la confusion tandis que d'autres encore poussent la cruauté jusqu'à l'utiliser comme arme pour faire souffrir leur « ex ».
De tels agissements, on vient de le voir, portent des noms : confusion, cruauté, collusion... Le professionnel a tout intérêt à se situer par rapport à des faits, il n'a pas besoin du syndrome d'aliénation parentale, concept qui simplifie des situations par ailleurs fort complexes. Une définition statique et unilatérale ne constitue pas un outil d'intervention d'une grande efficacité dans le contexte d'une relation d'aide à visée évolutive. Bien au contraire, cela risque de l'empêcher de penser. De plus, intervenir en termes de « détection de l'aliénation parentale » revient à traquer les incapacités et les lacunes des parents alors qu'il est nettement plus constructif de tenter de les considérer comme des individus capables de changements et de prises de responsabilités. Vu au travers de ce concept, le conflit conjugal tend à s'amplifier sur la place publique avec la participation des professionnels de l'aide et du judiciaire.
Le rôle du professionnel
En cas de séparation, les parents cherchent fréquemment des alliés dans leurs conflits contre l'autre. C'est donc chaque fois l'occasion pour le professionnel de se resituer, de ne pas se laisser contaminer par les échos de séparations qu'il a parfois lui-même vécues, pour réfléchir à son rôle, au mandat qu'il a et à celui de ses collègues avec qui il collabore, qu'ils relèvent du monde socio-éducatif ou judiciaire.
Pour grandir l'enfant a besoin d'une référence à ses deux parents. Il revient parfois au professionnel de ramener à l'enfant la réalité de son autre parent absent, ignoré ou rejeté ; qu'il s'agisse d'un contexte de séparation, de décès ou d'abandon ...
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