Dans les maisons, l'atmosphère est indicatrice. Voix survoltées en permanence? Douceur dominante? Ciel trop serein pour être réel? Calme après la tempête? Lourdeur étouffante? Parfois, tout ou presque est objet de disputes, et la situation, explosive non stop. Parfois, à l'extrême opposé, les affrontements sont systématiquement larvés, les oppositions, immanquablement tues; bref, jamais une parole ne vole plus haut que l'autre. Précision supplémentaire: il y a les familles où les conflits sont habituels et ne dérangent pas, d’autres où ils sont plutôt rares mais mal vécus, d’autres encore où les personnes qui les adorent et celles qui les maudissent cohabitent...
A chaque parent, son style
Au sein d'une même famille, la façon dont chaque parent fonctionne par rapport aux conflits (et donc les enclenche, les met sur le tapis, les gère et y réagit) dépend, en grande partie, de ce qu'il a vécu, enfant et adolescent, dans sa famille d'origine. Il n'est pas rare que le père et la mère développent deux "styles" (plus ou moins fortement) éloignés l'un de l'autre.
Et là, les enfants s’y retrouvent en général. Ils connaissent (par cœur?!) le "mode d'emploi" de leurs parents. Ils se construisent en s'y ajustant: il faut faire comme ci avec maman, comme ça avec papa. Sans doute, est-ce plus facile pour eux de composer avec deux modes de communication différents plutôt que d’avoir affaire à deux parents volcaniques (bonjour les surenchères!) ou à deux parents qui ont tendance à rentrer leur colère, à la ruminer (mais quand donc vont-ils la laisser exploser?). Oui, la vie est sans doute plus commode pour eux quand l'un est du genre à désamorcer les conflits, si l'autre fulmine au quart de tour, quand l’un crie un bon coup et que l’autre boude en silence. Un tempérament complète, modère l'autre. Et l'existence de tous les jours est moins fatigante pour tout le monde.
Gérer le conflit... et grandir
Un conflit n'est pas l'autre. Les chamailleries entre frères et sœurs, ce ne sont pas les tensions entre conjoints. Et celles-ci peuvent porter tantôt sur la vie de couple, tantôt sur les principes éducatifs. Et puis, il y a les bras de fer adultes-enfants. Autour de questions essentielles comme pour trois fois rien. La famille, premier lieu de socialisation, est, par là, aussi un espace de conflits. Lesquels prennent une nouvelle tournure avec des adolescents.
Trop souvent, les parents redoutent l’affrontement avec leurs enfants, parce que cela équivaudrait, pensent-ils, à perdre leur amour. Quelle erreur! Car cela reviendrait également à dire que les enfants "désaiment" leurs parents parce que ceux-ci leur imposent des règles et des limites. Bien sûr, "se battre" n'est jamais une partie de plaisir. Cela engendre des souffrances... Mais les conflits sont essentiels! Ils constituent - c’est quasi physiologique - un élément indispensable de cet organisme vivant qu'est la famille. Ils aident les enfants à se façonner, à grandir. A travers eux, ceux-ci découvrent leurs propres limites, ils expérimentent leur différence et, donc, leur autonomie en se heurtant à la résistance de l'autre. Ne dit-on pas d'ailleurs que la cause des conflits est souvent anodine et qu'elle s'oublie vite? C'est la façon de les résoudre qui a de l'importance. Et là, tout devrait, bien sûr, se jouer dans un cadre, celui du respect mutuel...