A peine ces paroles lâchées, on se sent honteux et on voudrait tout effacer.
Ceci est encore plus fort et plus vrai pour des idées vilaines qui nous passent parfois par la tête à propos de nos enfants. On ne se sent pas très fier d'avoir pensé: "Cet enfant, je l'enverrais bien au diable", "Je le passerais par la fenêtre", ou encore "Je lui taperais dessus, si je ne me retenais pas"...
Pourtant oui, dans la tête de tous les parents, de telles idées passent un jour ou l'autre. Même lorsqu'il s'agit de tout petits bébés, fragiles et innocents, dont on sait bien qu'ils n'ont, à cet âge-là, aucune intention de nous tyranniser.
Et pourtant, c'est parfois comme cela que l'on ressent les choses lorsque, pour la cinquième fois de la nuit, ils appellent et nous tirent de notre sommeil; lorsque, malgré les deux heures de bercement et de câlins, ils pleurent toujours; lorsqu'on doit faire face à leurs colères; lorsqu'ils refusent obstinément de goûter le repas qu'on leur a mitonné avec amour; lorsqu'ils affirment leur non dix fois à la minute et que notre réserve de patience est au niveau zéro. Eh bien oui, à ces moments-là, on peut vraiment ressentir l'envie de les passer par la fenêtre.
C'est précisément à cela que sert la pensée chez les humains. C'est, au moment où l'on ressent ces choses difficiles, de les faire passer par la tête et de les penser au lieu de les agir. Tant que l'on peut se dire - ou dire aux autres - "Je le passerais bien par la fenêtre", on peut utiliser sa tête pour revenir à la raison et ne pas passer à l'acte.
Rien de honteux donc à penser - comme tous les parents de la terre - à de vilaines choses au sujet de nos enfants.
Mais ne confondons pas. On peut parler de cela entre adultes qui peuvent partager nos expériences et émotions parce qu'ils ont vécu les mêmes choses que nous; mais lâcher ces idées négatives, agressives aux enfants peut être très effrayant pour eux parce qu'ils n'ont pas le pouvoir de se dire que ce ne sont que des idées passagères et ils peuvent donc croire que les choses vont se réaliser.
Rien n'empêche, par contre, de leur dire que l'on est à bout de patience, qu'on a du mal à supporter leurs pleurs et, quand c'est possible, de prendre un peu de distance en les confiant un moment à une voisine, à un oncle, à une grand-mère, le temps de recharger ses batteries. Ça, ils peuvent le savoir; même tout-petits, ils "profitent" de ces messages car, à travers ceux-ci, ils comprennent qu'on voudrait les protéger de notre violence ou agressivité.