L’enfant objet : surinvestissement ou démotivation
Les adultes proches des enfants handicapés sont tentés de se centrer principalement sur les manques dus au handicap. La recherche des stimulations nécessaires au bon développement de l’enfant prend tellement de place dans les familles et chez les professionnels que l’enfant risque de devenir un objet. La journée de l’enfant est remplie de techniques de rééducation, d’examens médicaux, d’évaluations,… laissant peu de place à l’enfant-sujet qui ressent, qui désire, qui souffre…
Ces adultes proches se laissent parfois emporter par des espoirs de réparations irréalistes, et la recherche de solutions miracles se fait aux dépens de la prise en compte de la personnalité de l’enfant, de son rythme de développement, de qui il est vraiment.
Les progrès permanents et rapides de la médecine et des techniques engloutissent les enfants porteurs de certains handicaps dans un climat d’urgence qui ne leur laisse guère le temps d’élaborer mentalement ce qui leur arrive. Une tension sans cesse réalimentée existe autour de l’enfant en raison de la difficulté à trouver un équilibre entre deux attitudes: d’une part, s’ouvrir aux progrès qui seraient bénéfiques pour l’enfant; d’autre part, respecter son rythme. Par exemple, des enfants présentant des problèmes moteurs peuvent être confrontés à un programme quotidien et important d’exercices physiques, leur laissant peu de temps aux fins de se construire une vie psychique autonome.
En outre, pour les parents, chaque progrès technique réveille l’illusion de pouvoir gommer une différence, et ils peuvent se retrouver associés à de telles démarches de stimulation intensive, au détriment d’une relation affective sécurisante pour l’enfant.
Confronté à ces démarches réparatrices, l’enfant porteur d’un handicap peut se ressentir en tant qu’être imparfait qu’il faut «améliorer». Il lui est parfois très difficile d’avoir le sentiment de satisfaire pleinement ses parents, son entourage. Il peut alors avoir une image négative de lui, penser qu’il ne vaut pas grand-chose. Cette faible estime de soi le rendra davantage encore dépendant du regard des autres. Il risque donc de voir amoindries ses ressources personnelles aux fins de se positionner face à de tels abus. Une telle situation est fréquemment renforcée par le faible crédit accordé aux avis et aux capacités d’autonomie des enfants par les adultes qui les entourent.
Dans un autre registre, certaines familles et/ou professionnels peuvent faire preuve d’une tolérance excessive face à des comportements inadéquats ou abusifs émis par l’enfant handicapé. Des conduites éducatives laxistes au sein d’une famille trop en souffrance ou trop culpabilisée, ou encore émanant de professionnels démotivés, peuvent tout autant nuire en laissant l’enfant devenir un tyran recherchant son seul plaisir immédiat.
Extrait du livre Temps d'Arrêt "Handicap et maltraitance" (p. 15-16-17) disponible gratuitement en téléchargement