Dans un article sur Rue89, Gaël Leiblang raconte sa pièce de théâtre "Tu seras un homme papa" qui parle du décès, à 13 jours de vie, de son fils Roman. Un récit touchant, sous forme d'interview, sur la manière dont lui et sa femme ont accompagné leur bébé, le silence qui l'entoure, le vécu de ses trois filles, le soutien des équipes médicales...
[Extraits]
Mais cela permet d'extérioriser un sujet qui a plutôt tendance à rester rangé dans l'hôpital, qui est tabou ?
Moi-même, j’utilise souvent le mot tabou, mais en fait c’est pas le bon mot. On pourrait dire qu'il y a plutôt un silence assourdissant autour de ces bébés éphémères.
Parce que leur vie est tellement courte qu’il n’y a pas de souvenirs, et comme il n’y a pas de souvenirs, tu ne peux pas dire…
Moi, je vois bien, si je n'avais pas fait cette pièce, on ne parlerait pas de Roman. Pas parce que c’est tabou. On est une famille tout à fait sympa, on parle très librement et tout, mais parce qu’à un moment tu n’as rien à raconter. C'était treize jours. Tu peux dire "ah, tu te souviens quand il était dans la couveuse ?" une fois, deux fois, cent fois, mais au bout de trois, quatre ans, tu ne vas plus le dire.
[...]
Tu as vu sa vie défiler...
Oui, d'ailleurs, j'ai pensé récemment qu'il y a quelque chose de beau à pouvoir accompagner son enfant. Il y a tellement d'enfants qui meurent dans des conditions terribles, des gamins qui se tuent la nuit en bagnole, qui pleurent leur mère à 3 heures du matin sur une route nationale, ivres morts. Je me dis que Roman, lui, est parti dans un élan d’amour, et c’est très apaisant et rassurant.
Et l'autre chose, c'est aussi de te dire que tu as accompagné ton enfant dans sa globalité, que tu l'as vu naître et partir. Il y a quelque chose d’un peu rassurant là-dedans. Des fois je suis plus inquiet de me dire : "Putain, peut-être qu’un jour je vais mourir et laisser mes filles toutes seules dans une situation de détresse." Quand je pense à ça, ça me rend presque plus triste de me dire "je ne vais pas accompagner mes filles" que "j’ai accompagné mon fils". C'est un contre-mouvement, mais c'est beau.
[...]
Le bain d'adieu, c'est le protocole ?
C'est pas un protocole parce que ça dépend des hôpitaux, mais c’est le bon sens médical et l’humanité des médecins qui font repartir les parents avec des souvenirs. En fait, ils sont créateurs de souvenirs, et ils te font repartir avec un moment sacré avec ton enfant, voilà. Je pense que pour ces moments-là qui sont en dehors du radar, il y a autre chose à faire.
L'interview complète est à découvrir ici