France: nouvelles vélléités à repérer, à partir de 5 ans, les enfants « à risque » et « à haut risque »

En France, le ministère de l'Education nationale prévoit d'instaurer des évaluations pour les enfants de 5 ans en école maternelle, qui comporteraient un volet comportemental intitulé « devenir élève » conduisant à trier les enfants en trois catégories :

  • « RAS »,
  • « à risque »
  • ou « à haut risque ».


C'est le retour sous une autre forme du carnet de comportement préconisé en 2005 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et auquel il avait dû renoncer face à l'opposition vigoureuse des professionnels de la petite enfance et de la santé, des enseignants et des parents.

Créer de l'angoisse en cascade


Sélectionner des enfants « à risque » comportemental reprend le projet de dépistage précoce des enfants agités, avec une démarche de prédiction inhérente à cette notion de risque.

Un tel projet d'évaluation chez les enfants de grande section, s'il se mettait en place, ferait planer un climat de suspicion sur l'école maternelle vécue comme une école qui trie et désigne les enfants avant même qu'ils ne soient devenus des élèves assujettis à l'obligation scolaire.

Ce projet créerait un système de transmission de l'angoisse en cascade :

 

  • Les parents , inquiets du jugement prédictif porté sur leur enfant, voudront le préparer à l'évaluation, exerçant sur lui une forme de pression de crainte qu'il ne soit repéré comme « à risque » ;

 

  • les enseignants feront passer ces évaluations, à la recherche d'un idéal d'élève plus que modèle, avec le sentiment d'être à terme eux-mêmes évalués de façon indirecte ; et que ces évaluations seront diffusées et conduiront à des comparaisons entre écoles.

Ces angoisses conjuguées des parents et des enseignants viendront parasiter la relation de l'enfant à l'école : à cet âge se sentir mesuré insécurise les enfants, au risque qu'ils réagissent par de l'agitation ou de l'inhibition ou par une peur de l'école.

Retirer l'aide aux enfants souffrants et les stigmatiser

Tout cela au moment où le gouvernement augmente jusqu'à trente-cinq le nombre d'enfants par classe en maternelle, où les RASED destinés à aider les enfants les plus en difficulté sont démembrés, les postes de psychologues et d'enseignants spécialisés supprimés, et où partout manquent les auxiliaires de vie scolaire laissant de très nombreux enfants handicapés sans accompagnement spécifique.

Ainsi, d'un côté la politique gouvernementale retire l'aide aux enfants les plus souffrants, d'un autre elle entend les trier, les désigner et les stigmatiser.

Cette obsession du risque met en danger les enfants


Cette obsession du risque et d'une prévention rabattue sur le dépistage et la prédiction met en danger la confiance dont les enfants ont besoin pour investir l'école et désirer devenir élèves.

Comment peut-on à ce point mépriser les fondements de l'éducation, de la psychologie et de la socialisation du jeune enfant ? Il faut des compétences, de la confiance et du temps pour que l'enfant s'autonomise et expérimente le sens des relations aux autres.A contrario la réponse proposée par le ministère, sous la forme de quelques semaines d'entraînement aux bonnes manières, revient à installer un radar comportemental sur le chemin de l'école.

Sous prétexte de prévention et d'éducation, le projet gouvernemental d'évaluation des enfants à cinq ans mettrait en place un dispositif qui les enferme dans des prédictions auto-réalisatrices nocives et qui impose le retour aux vieilles méthodes du conditionnement et du formatage comportemental.

Source : Communiqué du collectif Pasde0deconduite qui estime que ce ne sont pas les enfants qui sont « à risque » mais les évaluations comportementales en école maternelle qui les placeraient dans une situation à très haut risque.

On lira aussi avec intérêt l'interview de Christian Laval, sociologue et auteur de L’Ecole n’est pas une entreprise ( et de La Nouvelle école capitaliste avec Francis Vergne, Pierre Clément et Guy Dreux). Dans cet entretien il met en perspective cette volonté de repérage qu’il analyse comme la progression au sein de l’école de valeurs et de pratiques venues du monde de l’entreprise.  

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