L’Union européenne finance depuis plusieurs années des programmes de recherche, dont la finalité est de produire des recommandations afin d’améliorer la sécurité des jeunes internautes. Parmi ceux-ci, l’ « EU Kids Online » (3e du nom), auquel participent 33 pays européens, vise à améliorer notre connaissance des usages d’Internet par les enfants en Europe. De nombreuses données statistiques sont produites par ces projets. Celles-ci sont synthétisées dans des documents disponibles en ligne, généralement en anglais.
L’une de ces synthèses tente de répondre à une question essentielle : comment les parents peuvent-ils aider leurs enfants à naviguer sur Internet en toute sérénité ?
Pour répondre à cette question, les équipes de recherche ont défini et comparé différents types de « médiations » parentales de la relation entre les enfants et Internet. Ils distinguent (1) la « médiation technique », qui consiste, par exemple, à utiliser des logiciels de contrôle parental, (2) le « monitoring » basé sur la surveillance de certains paramètres comme la liste de contacts, les messages échangés, les contenus postés, etc. (3) « La médiation restrictive » qui consiste à interdire certaines activités comme créer un profil Facebook, par exemple. (4) La « médiation active en matière de sécurité Internet » et (5) la « médiation active en matière d’usage d’Internet », la quatrième se distinguant de la cinquième dans la mesure où elle ne concerne que les aspects de sécurité là où l’autre comprend également le fait d’encourager les compétences de l’enfant et de valoriser les opportunités offertes par Internet. À ce sujet, Andrea Duerager et Sonia Livingstone précisent « Par "médiation active des usages", nous entendons les situations où les parents parlent avec leur enfant d’Internet, restent près de lui ou s’asseyent à côté de lui lorsqu’il se connecte en ligne, l’encouragent à explorer Internet et partagent avec lui des activités sur le Net. »
Les résultats de ce travail sont forts intéressants et totalement en accord avec le propos développé dans le Temps d’Arrêt : « Qui a peur du grand méchant Web ? ».
Tout d’abord, « la médiation technique » (les filtres parentaux) ne semble pas diminuer les risques pris par les enfants.
Ensuite, la « médiation restrictive » diminue effectivement les risques. Il est difficile d’encourir les dangers d’une activité que l’on ne pratique pas. Mais, précisent les chercheuses, ce type de médiation diminue également les compétences des enfants et leurs opportunités en ligne ainsi que leur capacité à gérer les situations négatives lorsqu’elles se présentent malgré tout.
Mais aussi, la « médiation active des usages » tend à réduire l’exposition des enfants aux risques sans réduire le développement de leurs compétences et des opportunités en ligne. Ce type de médiation permet également aux enfants de mieux gérer les situations négatives lorsqu’ils y sont confrontés. Ce dernier point est essentiel. En effet, nous ne pourrons jamais mettre nos enfants sous cloche et ils finissent toujours par rencontrer des expériences stressantes. En prévision de cela, la « médiation active des usages » semble être la meilleure des solutions.
Nous noterons que la Belgique est citée à côté de la Turquie, de l’Autriche et de l’Italie comme préférant la médiation restrictive à la médiation active... Ce qui ne doit pas nécessairement nous réjouir.
Enfin, nous soulignerons un autre élément pointé par ce travail. Les enfants sont beaucoup plus intéressés à recevoir l’avis et l’attention de leurs parents concernant leurs activités on line que ne le pensent ceux-ci. Il s’agit d’un signal parmi beaucoup d’autres qui doit nous inviter à revoir nos représentations. Mais il s’agit là d’une question tellement importante que nous y consacrerons un prochain billet...