Même si la parentalité donne à penser le contraire, les fonctions de la mère et du père restent bien différenciées. Paradoxalement, parce que nous n’avons pas à nous référer qu’à la seule anatomie mais au langage qui définit l’espèce humaine. La famille nucléaire reste le lieu où se transmettent à l’enfant les exigences de l’humanisation ; celles-ci supposent de soutenir l’irréductible discordance entre les mots et les choses, l’impossibilité pour les mots de dire tout le réel. Pour ce faire, chaque enfant en passera par les voies que les premiers autres qui l’entourent ont tracées pour faire face à cette condition.
L’enfant a d’abord un lien avec un premier autre, qu’on appelle la mère, qui inclut une intimité, un corps à corps, une manière d’être parlé par cet autre... et ensuite, un lien avec un deuxième autre, qui se soutient davantage de la dimension symbolique, simplement parce qu’il n’a d’existence que par les mots. Il n’y a de père que dans le langage.
Pour soutenir cette tâche, le père, dans son intervention concrète, a besoin de l’appui de la reconnaissance de la mère, mais aussi d’une légitimité qui lui vient d’ailleurs. C’était, pendant des siècles, le patriarcat. Le règne de celui-ci est terminé et le père d’aujourd’hui peine à trouver une nouvelle légitimité dans la démocratie.
Ceci entraîne un affaiblissement de tout ce qui équivaut à une intervention paternelle concrète, qui entraîne à son tour un estompement du pacte d’humanité : de ce fait, le rapport que nous avons à la parole n’a plus la même force, le même poids.
C’est ce changement qui favorise de plus en plus fréquemment le tableau clinique d’un enfant qui n’est plus l’enfant que de sa mère, même si le père est toujours présent.
C’est alors désormais à la seule charge de l’enfant de se décoller de sa mère, sans une main tendue qui lui vienne en aide, fût-ce par la “contrainte” d’avoir à s’en séparer. Ceci laisse une série de sujets en difficulté, voire en panne. Et produit par ailleurs de plus en plus souvent une économie psychique différente de la névrose que traditionnellement nous connaissions. C’est ce changement et ses effets dont nous avons à rendre compte aujourd’hui, fût-ce pour pouvoir, si tant est que cela soit possible, aider celui qui le souhaite à davantage s’humaniser.
Sommaire :
Situation du problème aujourd’hui
Un préliminaire
Pourquoi la fonction parentale ?
Deux parents pour transmettre notre humanité
Pourquoi deux parents ? Pourquoi père et mère ?
Deux fonctions différenciées et asymétriques
Une configuration inédite
Une illustration par la littérature
Un enfant seulement de la mère
Conclusion